Emmanuel Rubin, Critique gastronomique et co-fondateur du Fooding

Miele France a interrogé le critique gastronomique Emmanuel Rubin sur sa vision de l’expérience. Découvrez son interview :

À quand remontent vos premières critiques ?

Mes parents étaient restaurateurs, je suis un enfant de la casserole ! À 11 ans, je notais mes impressions sur un petit cahier, sans penser en faire mon métier. J’ai donc commencé très jeune.

Vous comparez parfois les restaurants à de petits théâtres.

Le restaurant est un décor où des acteurs interprètent une carte midi et soir, pour
un public chaque fois différent, une ambiance nouvelle. La difficulté et l’enjeu consistent à être le plus régulier possible. La représentation peut être influencée par la météo, l’humeur de la salle, parfois celle du chef. Dans tous les cas, le spectacle doit continuer.

Vous avez déclaré « J’aime, j’aime pas, ça ne suffit pas. » Que voulez-vous dire ?

Tout le monde a un avis, et c’est bien légitime. Mais un avis n’est pas une critique. Un critique essaie de voir au-delà de son goût personnel, il tente d’expliquer pourquoi il aime ou n’aime pas. Cela requiert un apprentissage, une culture, un raisonnement, une construction d’expériences. Très loin d’un simple avis.

Faut-il posséder une longue expérience pour être un bon critique ?

L’expérience n’est rien d’autre qu’une somme d’expériences. François Simon, l’homme qui m’a appris le métier, avait une phrase extraordinaire : « Un bon critique gastronomique c’est une personne qui, après avoir pioché midi et soir pendant 20 ans dans différentes corbeilles de pain, commence à savoir ce qu’est un bon pain. »

Si vous deviez définir ce qu’est un bon repas ?

Lorsque j’ai cofondé le Fooding, nous disions : un bon repas est un mélange de cuisine et d’expérience, un équilibre entre l’assiette et l’ambiance. La rencontre de ces deux mots, « food» et « feeling », a créé le « Fooding ».

La créativité des chefs est-elle liée à l’innovation technologique ?

La techno et la gastronomie, c’est une histoire d’amour ! C’est essentiel. La cuisine relève de l’intelligence de la main. Et le prolongement de la main, c’est l’outil. Prenons l’exemple de la cuisson vapeur : elle a révolutionné le goût et la manière de respecter l’intégrité même d’un légume, sa texture, sa saveur réelle, jusqu’à son esthétique en valorisant ses couleurs. Pour un critique, bien connaître ces évolutions est primordial, car elles vont immédiatement venir infuser son assiette et donc son propos.

Pierre Hermé, chef pâtissier-chocolatier

Miele a eu la chance d’interviewer le célèbre chef pâtissier Pierre Hermé. Découvrez ici sa vision de l’expérience en cuisine.

D’où vous vient cette passion pour la pâtisserie ?
J’ai eu la chance de grandir dans une famille de boulangers pâtissiers dont je suis la quatrième génération. C’est mon père qui m’a donné envie de faire ce métier. Très tôt, dès l’âge de 9 ans, je savais que moi aussi je serai pâtissier.

Faut-il rester gourmand et curieux comme un enfant de 9 ans pour être aussi inspiré ?
Il est très important de garder l’esprit ouvert. Tout peut être source d’inspiration. Les ingrédients, bien sûr, sont un moteur essentiel, mais l’inspiration peut venir de n’importe quelle situation. D’une discussion, d’une rencontre, de certaines disciplines parfois éloignées du monde de la pâtisserie, comme le parfum ou le vin.

Quel est le plus beau compliment que l’on puisse vous faire ?
Je garde toujours une phrase en tête : « le salé pour se nourrir et le sucré pour se faire plaisir ». Lorsqu’une personne goûte l’un de mes gâteaux, il faut juste que ce soit bon. Le seul compliment que je trouve intéressant c’est quand on me dit que « c’est bon ».

Vous avez appris le métier très tôt auprès de votre père, puis pendant de longues années auprès de Gaston Lenôtre. Qu’est-ce que l’expérience représente pour vous ?
L’apprentissage des métiers de l’artisanat nécessite du temps pour apprivoiser les techniques, le savoir-faire, la connaissance des matières… Cela doit se faire naturellement et de manière harmonieuse. Rien ne remplace le temps, rien ne remplace l’expérience. Il n’existe aucun raccourci. Et puis, les métiers de l’artisanat sont des métiers où la transmission est un devoir. De grands pâtissiers m’ont légué leur savoir-faire. Pour moi, c’est maintenant un devoir de transmettre tout ce que je sais aux plus jeunes.

Quel rôle tiennent les équipements dans votre métier ?
Le matériel est quelque chose qui nous facilite la vie, qui nous permet d’accéder à quelque chose qu’on ne peut pas imaginer, mais ça ne doit pas se voir dans le produit. C’est juste un facilitateur qui nous permet de gagner du temps, de gagner en précision, d’être plus  performant, mais ça doit disparaître derrière la pâtisserie.


Votre insatiable curiosité concerne-t-elle aussi les innovations technologiques ?
Ce n’est pas parce que c’est nouveau que ça m’intéresse. Mais je suis très curieux de l’apport des nouvelles technologies. Il faut comprendre, apprivoiser et même faire évoluer ces innovations. C’est ça qui est passionnant. Il m’arrive parfois de travailler avec des fabricants sur la mise au point de nouveaux matériels ou de récipients. Les collaborations sont quelque chose que j’ai d’ailleurs beaucoup initié, aussi bien sur des aspects artistiques que sur des sujets plus techniques. Les innovations technologiques représentent un intérêt absolu car elles sont un support pour créer.

Etienne Leroy, Champion du monde de pâtisserie 2017

Le jeune Chef pâtissier Etienne Leroy remportait le championnat du monde de pâtisserie en 2017. Miele l’a interrogé sur son expérience, découvrez son interview ici :

Quand est née votre passion pour la pâtisserie ? 

Presque par hasard, à 17 ans, lors d’une visite chez mon oncle, pâtissier au Canada. J’ai vécu quelques semaines dans l’appartement au-dessus de la boutique. Il m’a appris les premiers rudiments. Depuis, j’ai découvert ce que le sucré offre comme possibilités de goûts, de parfums, de textures, de couleurs… Presque infinies. On ne s’ennuie jamais.

Comment devient-on le meilleur pâtissier au monde ?

La compétition dure 10 heures mais se prépare pendant 10 mois. Ce titre est l’aboutissement d’une année formidable mais très difficile, faite de beaucoup de travail et de sacrifices. Le titre, décerné à une équipe de trois pâtissiers, récompense un groupe plus large de gens du métier qui nous ont apporté leur incroyable savoir-faire ou leur petit grain de sel. Nous avons vécu des moments extraordinaires.

Quelle est la qualité incontournable d’un grand pâtissier ?

C’est la rigueur qu’il faut s’imposer tous les jours. L’obligation d’avoir la même exigence au quotidien afin que le client ne soit jamais déçu. Je crois que nous devons aussi nous remettre en question. C’est un effort permanent. Sinon, on stagne. Et parfois, lorsqu’on arrive à faire un tout petit mieux, c’est déjà une grande victoire.

La précision est-elle indissociable de votre métier ?
En période de création, je laisse la précision de côté. Mais elle n’est jamais loin. Je note tout, dans les moindres détails : ingrédients, grammes, températures, durées de cuisson… Car le plus difficile c’est de reproduire ces sensations et cette folie que l’on réussit parfois à trouver. Sans rien laisser au hasard.

La technologie a-t-elle une influence sur la pâtisserie d’aujourd’hui ?
Son rôle est énorme. Elle ouvre sans cesse des portes en permettant de tenter de nouvelles choses. Une plaque à induction peut chauffer très vite et très délicatement. On dispose désormais d’équipements pour faire des cuissons sous vide. Un four peut cuire avec une température constante ultraprécise. Ou mieux encore, on peut cuire un biscuit dans un four vapeur et obtenir un moelleux exceptionnel. On peut mieux préserver le goût des fruits ou du chocolat. La liste est longue.

Le pâtissier est-il un artisan solitaire ?

Non, au contraire. J’ai beaucoup d’amis dans le métier. Nous aimons nous retrouver et partager ce que nous faisons. J’adore goûter ce qu’a préparé un copain pour la carte d’un restaurant ou dans sa boutique. J’aime me nourrir de leurs expériences.

Comment faîtes vous évoluer vos pâtisseries ? 
Un pâtissier ne doit pas tout chambouler pour pouvoir dire « c’est moi qui l’ai inventé ». On retravaille ce que nous ont légué les anciens. Ils ont inventé le feuilletage, la crème pâtissière… Nous faisons l’alchimie de tout ça et, dans le meilleur des cas, on y apporte une petite touche un peu nouvelle.

Juan Arbelaez, Chef cuisinier

Miele a interviewé le Chef Juan Arbelaez à l’occasion de la présentation de sa nouvelle génération GEN 7000 de produits encastrables pour la cuisine qui a eu lieu en Mars 2019. 

Vous pouvez vous présenter ?

Je suis d’origine colombienne. Ça fait 12 ans que je suis en France maintenant, et j’ai 31 ans.

Pour vous la cuisine, qu’est-ce que c’est ?

Je pense que la cuisine est faite d’instants de vie, elle évolue énormément par rapport aux expériences qu’un cuisinier va vivre. La cuisine est formée par les rencontres, elle est faite de voyage. C’est de partager un tajine en vacances, de déguster un Ceviche sur la plage entre amis : la cuisine, c’est de l’humain.

Est-ce que vous pensez que le hasard a une certaine place en cuisine ?

Moi je pense que le hasard a complètement sa place en cuisine, qu’il a complètement sa place dans les recettes même. Par le fruit du hasard, on a créé la tarte tatin. Et quand on goûte le résultat, on se dit : « ah, c’est quand même exceptionnel !  ».

Moi j’ai un dessert qui est complètement dingue, qui est composé de chocolat, d’oseille et de café. Et ça s’est fait parce qu’un matin, j’étais en train de boire mon café pendant que je découpais de l’oseille pour la mise en place – et j’adore le chocolat avec le café. J’avais ce mélange des trois goûts en bouche et je me suis dit : « Oh ! Il y a quelque chose qui est en train de se passer… ».

Je pense que la cuisine est un peu comme la danse. Tu dois avoir certaines règles, tu dois connaitre certains pas, mais la plus belle danse c’est quand deux partenaires se retrouvent et commencent à danser. Et c’est là que c’est magique.

La technologie a-t-elle une influence sur la cuisine d’aujourd’hui ?

La cuisine évolue. Elle évolue avec le temps, elle évolue avec les rencontres et elle évolue aussi avec le matériel qu’on utilise. Avant, c’était un sacrifice de recevoir les gens, car on passait des heures à cuisiner – ce qui nous mettait une certaine pression.

Aujourd’hui, avec ce type de four et ce type d’éléments, on peut recevoir des gens à la maison et faire la cuisine pendant qu’on est assis à boire l’apéritif à table avec nos invités.

C’est fantastique de pouvoir mettre une truite dans un four vapeur à 45°C ou 48°C, l’oublier pendant une heure, puis revenir et qu’elle soit toujours cuite, toujours fraiche, toujours parfaite.

On a de la chance d’avoir des produits avec des technologies incroyables qui nous permettent de faire une cuisine toujours plus pointue, toujours plus maîtrisée et toujours plus agréable.

Anne-Sophie Pic, Cheffe triplement étoilée

La cheffe triplement étoilée Anne-Sophie Pic nous a livré son expérience personnelle du monde culinaire. Découvrez son témoignage passionnant -et passionné !

Vous êtes triplement étoilée, comme votre père et votre grand-père. Quelle famille !
J’ai grandi dans cette maison, juste au-dessus des cuisines, en contact permanent avec les bonheurs et les soucis que mes parents pouvaient ressentir au quotidien. Comme un papier buvard, j’ai intégré cet univers culinaire. Dès l’enfance j’ai pu accéder à ce monde-là, d’une manière tout à fait naturelle.  


Votre père vous a-t-il transmis son savoir ?
Il y a une chose qui résonnera toujours en moi, c’est ce que mon père m’a dit peu de temps avant son décès,  alors que je revenais dans la maison pour apprendre auprès de lui : l’expérience ne se transmet pas. C’est quelque chose que l’on doit connaître soi-même, on doit faire ses propres erreurs. J’ai alors compris que malgré tout ce dont j’avais pu hériter inconsciemment de ce parcours d’enfance, je devais vivre les choses qui me permettraient d’avancer dans mon métier. On peut conseiller quelqu’un et lui transmettre une multitude de choses, mais l’expérience est personnelle.

L’expérience n’est donc pas un long fleuve tranquille ?
Non, bien sûr ! On nourrit son expérience autant de ses réussites que de ses échecs. L’erreur est un ingrédient essentiel de l’expérience. Quand j’ai commencé, j’avais 22 ans et mon père n’était plus là pour me guider, alors j’avais peur d’avancer,
peur du faux pas… En fait, les erreurs font partie d’un parcours. On doit s’en nourrir et ne pas en avoir honte parce que c’est ce qui nous fait avancer.

Un Chef aime-t-il transmettre son savoir-faire ?
Au début, on préfère tout garder pour soi, c’est humain. Cependant, ne pas partager son savoir, c’est risquer qu’il se perde. On a donc intérêt à le transmettre. Il y a une beauté dans la transmission. Alors, on commence à transmettre quand on devient mature et qu’on possède de certaines connaissances. C’est merveilleux de franchir ce pas-là. Et très épanouissant.

Existe-t-il un lien entre les grands plats et les bons petits plats ?
Bien manger, c’est manger des choses à la fois très simples et très bien cuisinées. La haute gastronomie demande une certaine capacité à la simplicité. Je suis animée par l’idée de créer des plats à la fois très goûteux et très faciles.

Ppour moi, bien manger au quotidien doit être une réalité, pas quelque chose de réservée aux sphères de la haute gastronomie.
La créativité fait la part belle aux produits inconnus. Je suis toujours très enthousiaste quand je déniche un nouveau produit. J’aime le comprendre et le faire déguster sans le dénaturer. Tout le travail du cuisinier, consiste à restituer sa vision de la nature sans la dénaturer. Rester très respectueux de ce que la nature nous offre.

Êtes-vous attentive aux évolutions des équipements ?
Oui, évidemment, car ces évolutions participent largement à l’évolution du domaine culinaire. De nos jours, on fait cuire les produits en conscience, alors qu’on le faisait plus intuitivement par le passé.

Fini le bon vieux fourneau traditionnel ?
L’apparition de l’induction en cuisine a bouleversé notre vision de la cuisson. Nous n’avions plus aucun repère. Cependant, j’ai trouvé ça très intéressant : il faut savoir accepter de se remettre complètement en question avec de nouveaux outils, quitte à être dans l’inconfort total, pour évoluer et prendre un autre élan.

Si vous deviez vous présenter ?
Comment voudrais-je apparaître aux yeux des autres ? Je souhaite d’abord être vue comme une maman. Être mère est quelque chose de merveilleux et d’essentiel à ma vie. Et puis une épouse également. Une mère, une épouse et une cuisinière, … passionnée dans tout !